Odin Sphere - Destins croisés et contes nordiques

Publié le par Gen'Seirin' Kokoro

    Dans la série jeux-vidéo inspirés de la richissime mythologie scandinave, je demande Odin Sphere, un petit bijou tout en 2D offert à nos yeux par le studio Vanillaware décidément de plus en plus talentueux, et je dirais même presque au sommet de son art. Presque, parce que même si cette superbe fresque de destinées, de combats et d’amours déchus dépeinte sur un univers résolument mythologique a tout pour plaire, elle n’est pas exempte de défauts. Odin Sphere aurait sans aucun doute atteint la perfection, à défaut de la frôler ou même de la convoiter, à ces quelques détails près, mais rassurez-vous, l’expérience n’en reste pas moins saisissante de fraîcheur et d’intensité !



   


Précisons tout d’abord que malgrès ses graphismes tout en 2D et ses traits quelque peu enfantins, ou plutôt féeriques, Odin Sphere ne fait pourtant pas dans le dégoulinant de sucre et de naïveté et nous expose des histoires et des personnages réalistes, dans le sens que leur personnalité très marquée ne manque pas d’évoluer et de s’enrichir tout au long de la trame scénaristique, scénario qui regorge de subtilités et de liens tissant les multiples cinématiques de chacun des personnages jouables. La maîtrise de l’histoire saute très vite aux yeux, et c’est un exploit quand on sait que ça aurait pu se terminer en un méli-mélo dramatique d’évènements sans queue ni tête ! Certains aprioris laisseraient penser qu’un jeu en 2D laisserait peu de place à l’histoire, d’autant plus avec une vue de côté, mais il n’en est rien, et c’est sans problème qu’on se laisse absorber par cette fresque de personnages et de figures emblématiques. Nous suivons tout d’abord les traces de la princesse valkyrie Gwendolyn et nous trouvons plongés dans une guerre sans merci opposant deux des trois plus grandes nations d’Erion : j’ai nommé Ragnanival et Ringford, respectivement gouvernés par le souverain belliqueux Odin (surnommé à juste titre Seigneur Démon par le peuple) et la trop audacieuse reine des fées Elfaria. C’est donc sur les terres dévastées de l’ancien royaume de Valentine, dont l’Histoire nous sera révélée au compte-goutte tout au fil du jeu, que le joueur a le loisir de diriger Gwendolyn et de lancer quelques coups de lance, maladroits au départ il faut bien l’avouer, sur une poignée de soldats ennemis et de fées capricieuses tout en admirant un paysage qui semble avoir été soufflé par un gigantesque cataclysme : arbres, ruines de grands bâtiments et d’églises, tout est étrangement incliné, et lorsqu’on jette un œil à la carte d’Erion on comprend très vite pourquoi : ce champ de bataille est un immense cratère, cicatrice imposante d’un cataclysme capital pour l’Histoire (avec un grand H, s’il vous plaît) d’Odin Sphere. Un contexte très politique et sans réel parti pris (ni bon ni mauvais, les points de vue ne cessent de diverger durant le jeu et rendent impossible cette séparation) qui a déjà le mérite d’exposer un aspect très adulte tout en restant on ne peut plus enchanteur. L’histoire commence par les dernières paroles de Griselda, sœur de Gwendolyn et première princesse de Ragnanival, beaucoup plus estimée aux yeux de son père que cette dernière, qui a bien du mal à exhiber sa fierté de valkyrie tant elle essaie de gagner l’amour de son père qui ne pense qu’à guerroyer et ne trouve de fierté que dans le combat. Une jeune femme tiraillée et hésitante véritablement attachante, d’autant plus que sa personnalité ne cessera de s’enrichir et d’évoluer tout au long des évènements pour finalement s’émanciper totalement, fait commun aux cinq personnages jouables du jeu. On peut aussi noter que pour une fois, les cinq protagonistes ne sont pas unis dans une seule équipe contre un adversaire commun, il arrivera même fréquemment que le joueur doivent affronter un autre personnage jouable selon le scénario joué. Le contexte global de l’histoire et les personnages ne sont pas sans rappeler un certain Valkyrie Profile, ressemblance qui va au delà d'une source d'inspiration commune, avec ses luttes de pouvoir intestines, ses personnages torturés et ses destins insécables et amours impossibles, auquel on aurait ajouté des couleurs chatoyantes et un travail fou rendant la 2D absolument délicieuse, d’un détail et d’une fluidité remarquables. Avec tout ces atouts, il est évident que je ne pouvais qu’aimer.

  

   

   


Du côté technique aussi donc, on ne peut être qu’épaté par le travail réalisé par Vanillaware, pas à un seul instant les décors ou les personnages semblent figés, et même les ennemis bénéficient d’un soin tout particulier et s’animent à la perfection tout en exhibant un design plutôt accrocheur (ça fait longtemps que je n’avais pas vu d’aussi beaux dragons dans un jeu vidéo, et je pèse mes mots). Les menus bénéficient d’un soin tout aussi impeccable, ça va même jusqu’au livret du jeu très coloré qui en met plein les mirettes, sans compter que la totalité du contenu du jeu a bénéficié d’une traduction française, c’est inespéré. Tous les dialogues sont eux aussi doublés, y compris les salutations des marchands et autres personnages qui déambulent dans les niveaux, mais évidemment aucun doublage français à l’horizon (et j’ai envie de dire « heureusement », peut-être qu’il vaut mieux qu’on évite de faire ce pourquoi nous ne sommes manifestement pas doués !). Reste que les options nous laissent le choix entre doublage anglais et japonais, ce qui est plutôt sympathique même si j’ai une préférence pour le doublage anglais, beaucoup plus « filmique » si je puis dire (pourtant d’habitude c’est l’inverse, une question d’immersion je suppose). Même si les décors que traversent nos personnages sont peu nombreux et qu’on doit souvent les traverser à nouveau, et c’est bien là un des défauts d’Odin Sphere, ils en sont d’autant plus soignés et nettement différents à jouer. Chaque niveau a des spécificités bien précises, comme un élément ou un statut anormal associé (mon préféré est l’état « grenouille » qui transforme le joueur en une pauvre rainette honteusement faible !).




Même si les niveaux sont plutôt répétitifs (un enchainement de vagues de monstres sans énigmes, pas même une porte à ouvrir ou un obstacle à détruire), le gameplay est équilibré par des systèmes recherchés et innovants, comme les niveaux indépendants de points de vie et de point de « phozons ». Le premier permet au joueur d’augmenter son nombre maximum de pv, c’est la nourriture qui procure l’expérience nécéssaire à cette ascension, il est d’ailleurs conseillé d’aller souvent au restaurant manger un bon petit plat qui fera miraculeusement monter ce niveau grâce à une multitude de recettes ramassées dans les niveaux. Le niveau de phozon, quand à lui, est à mettre en rapport avec la puissance de votre arme, et donc l’impact de vos attaques, les phozons sont des petits éclats violets qui peuvent être libérés de plusieurs façons, la plus courant étant en abattant un ennemi. Il vous suffira ensuite d’absorber ces phozons pou faire grimper le niveau de votre arme, ce qui vous permettra aussi de lancer des attaques spéciales aussi utiles que dévastatrices qui vous sortiront de mauvais pas à de nombreuses reprises. Le personnage joué en lui-même n’a donc pas de niveau général, et c’est ce qui rend ce système si original tout en poussant le joueur à se nourrir fréquemment et à réunir le plus de phozons possible. Et on peut dire que c’est nécéssaire quand on voit le challenge que resprésentent certains boss ou mini-boss ! (le premier affrontement avec le Général Brigan reste un de mes souvenirs les plus douloureux…). La difficulté est néanmoins minimisée puisqu’on peut recommencer l’étape du niveau ou le boss à loisir lorsque nos pv atteignent inopinément 0. Le système d’objets est lui aussi très bien fait avec son anneau à l’écran et ses sacs de contenance variable pour allonger l’inventaire, sans parler du système d’alchimie et de botanique très simple mais qui ajoute vraiment une touche unique à l’inventaire avec tout un tas de graines et de mandragores aux usages divers. Les graines aspirent par exemple du phozon pour croître et donner des fruits à consommer, alors qu’un mélange d’une matière et d’une mandragore pourra donner une potions aux effets variés  La simplicité la plus dérangeante concerne donc surtout les niveaux, qui même s’ils sont bien organisés (un assemblage de cercles très bien trouvé d’ailleurs, chaque cercle correspondant à un pallier de taille variable selon le défilement horizontal de l’écran) restent peu nombreux et vite expédiés, un peu plus de complexité dans tout ça aurait certainement rendu le jeu encore plus parfait qu’il ne l’est déjà, tout comme la sélection simple sur la carte. Voilà, c’est honnêtement la seule chose qui soit rebutante, à l’exception peut-être de la durée du jeu, tout de même très conséquente pour son genre, mais comme tout produit addictif on ne peut que devenir accroc et en redemander, que voulez-vous.


   


Le chapitre le plus long reste le premier, et c'est aussi le plus réussi, on ne pouvait pas rêver mieux comme mise en bouche. Le rythme des niveaux d'installe très vite : d'abord le personnage a un court temps de répit à la base, puis vient la sélection du prochain niveau. Une fois celle-ci effectuée quelques cinématiques viennent relancer l'histoire, puis le joueur traverse le niveau et déclenche une autre cinématique lorsqu'il arrive au boss et lorsqu'il le bat. La sélection des différents chapitres se fait quand à elle dès le lancement d'une partie, où on dirige une jeune fille dans une bibliothèque et qu'on prend un des livres posés sur le sol pour s'installer confortablement sur un fauteuil, les lire et laisser faire son imagination. Un chat noir nommé Socrate se balade aussi dans la pièce et permet de jeter un oeil à la chronologie et aux différentes cinématiques débloquées sans forcément entrer dans un chapitre spécifique. Une progression peut-être un peu trop simpliste qui rend le jeu assez prévisible dans son ensemble, aussi complexe que soit le scénario. Soulignons quand même qu'un chapitre final se débloque lorsque les cinq chapitres sont achevés, qui se révèle être un challenge pour les joueurs et apporte beaucoup de piment à la fin du jeu. Les cinq personnages jouables sont dotés de coups et d'aptitudes différents, ce qui leur donne un côté unique et rend les premiers pas assez difficiles, mais cette subtilité s'avère payante puisqu'on se prend vite au jeu et qu'on a bien du mal à quitter son personnage lorsque le chapitre se termine. Heureusement, le jeu nous offre la possibilité de le recommencer à loisir en repartant du début du chapitre tout en gardant les statistiques du personnages. Odin Sphere joue beaucoup sur la répétitivité, que ce soit dans ses niveaux ou dans sa manière d'apréhender son scénario, et même si c'est largement critiquable il faut avouer qu'avec un minimum de persévérance et d'adaptation cette technique s'avère être souvent payante.




N’oublions pas de parler des musiques, là aussi je ne peux que m’incliner devant tant d’efficacité. La composition est assez simple, mais j’ai rarement vu une bande sonore aussi efficace, ça donne des thèmes enjoués qui restent en tête et qui donnent envie de se lancer à corps perdu dans l’univers du jeu. Je m’étais procuré l’OST bien avant d’acheter le jeu, et on peut dire que je l’ai véritablement redécouvert en jouant, et ça a royalement dépassé mes attentes, certains thèmes pourraient même sans problème entrer dans les classiques du genre, comme la très impétueuse Valkyrie March ou les musique contre les boss finaux de chaque personnage, tout comme celle parfois très calme de certains niveaux (celle des Rocheuses Glacées est excellente, la version calme pourrait parfaitement coller à un niveau de Valkyrie Profile), de nombreux autres thèmes se dégagent du jeu et de son ambiance onirique, on ne se lasse pas d’écouter même les plus simples d’entre eux (je n’arrive pas à expliquer pourquoi j’aime tant Study Time…), la musique Siking in Sadness me fait irrémédiablement penser à Gwendolyn accoudée au parvis du vieux château et je ne peux pas non plus m’en passer et le thème calme de la cité de Nebulapolis a vraiment quelque chose d’inoubliable ! Il en devient difficile de penser à une scène, un combat ou un personnage sans avoir la musique associée qui revient en tête. Je suis d’ailleurs toujours en admiration devant la musique du boss final du jeu, épique et époustouflante, il est impossible de parler sérieusement d’Odin Sphere si on ne l’a pas entendu au moins une fois, et si on ne l’a pas ressentie pendant le dit combat. Dantesque. Même si elle met du temps à démarrer (comme la plupart de celles de l’OST d’ailleurs) la musique s’envole et en devient vraiment jouissive, on en oublierait presque de combattre pour l’écouter... Le thème d’Odin Sphere est lui aussi mémorable et reste en tête dès les premières notes, les différentes versions présentes dans l’OST sont tout aussi réussies, ma préférée restant la version orchestrale immédiatement suivie par la version Sanachie. Les différents compositeurs se sont donc acquittés de leur tâche avec brio, et même si certaines compositions resplendissent bien moins que d'autre, le plaisir de l'écoute est palpable. Au niveau sonore donc, on a aussi affaire à du très lourd, c’est un régal de retrouver cette instrumentalisation si riche au service de l’ambiance mythologique et onirique du jeu !


   



Même si Odin Sphere débarque tardivement sur une PS2 qui commence à prendre de l’âge mais ne se tarit pas en hits, il s’impose immanquablement comme un enchantement pour les yeux, les oreilles et pour l’esprit qu’il serait criminel de manquer. Rarement un jeu n’aurait frôlé de si près la perfection, mais il est clair qu’il met dores et déjà le pied dans le domaine de l’art et prouve encore une fois qu’un jeu, c’est autre chose qu’un délire virtuel d’adolescents en manque d’amour ou de vie sociale (rappelez-vous, le dernier en date était Okami). Quelques défauts qui gâchent un peu cette fresque si enchanteresse mais n'enlèvent rien à son intensité ! Odin Sphere est donc une oeuvre qui se contemple plus qu'elle ne se joue, et qui a donc un peu de mal à satisfare les joueurs aguerris malgré la présence de nombreux systèmes originaux, mais le jeu n'en reste pas moins fascinant à parcourir de bout en bout et réserve parfois quelques surprise sans manquer de challenges.


Décidément, on dirait que la mythologie scandinave ne cessera jamais d’être aussi prolifique et d’inspirer les créateurs de jeux-vidéos et d'oeuvres en tout genres, et le pire c’est que le résultat est souvent excellent :)

Publié dans Jeux Vidéo

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G
J'apprécie ton geste, mais après tout si mon article est victime du plagiat ça prouve au moins qu'il plaît et qu'il est bien écrit :pJe ne suis pas trop fan des copier/coller abusifs, l'auteur n'a même pas ajouté quoi que ce soit de personnel, c'est ça qui est vraiment dommage. Après, je vais pas non plus lui coller un procès, et puis ça a été envoyé sur un forum, c'est loin d'être gravissime ou vexant, au contraire. Ce qui me chagrine, c'est de voir ma mise en page foutue en l'air sur un forum, sinon je prends plutôt ça  pour un compliment.Bon si un jour je trouve un de mes articles sur un blog ou autre (et même avec source mentionnée, je précise), c'est clair qu'y va y avoir anguille sous roche, mais là pas de souci. Encore merci pour ton attention, c'est très motivant de voir que des gens s'intérèssent à ce que vous faites ;)
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L
Je tiens juste à signaler qu'il y a quelque'un qui a copié/collé ton article sans en citer la source, ici : http://www.gamerz-online.info/forums/showthread.php?t=1367
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G
J'attend l'hypothétique sortie d'Okami sur Wii pour m'y mettre vraiment et profiter du jeu au maximum :pMais dans tous les cas, Odin Sphere est un achat que je ne peux que conseiller, même s'il n'a en commun avec Okami que son côté artistique !
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I
Excellent article comme toujours. C'est le prochain jeu que je dois faire une fois que j'aurais fini Okami justement ^^.
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S
Alalala, ce jeu, je le trouve vraiment très beau... ça sera surement mon prochain achat PS2 ^^
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